Hommage à l'un des plus anciens Poilus, MAURICE FLOQUET

En ce jour de 11 novembre, jour de recueillement pour perpétuer la mémoire de celles et ceux qui se sont battus pour la liberté, nous sommes là pour saluer la mémoire d'un ancien Picheneillle, doyen des poilus, Maurice Floquet, né à Poissons, le jour de Noël 1894.
Dix neuf ans plus tard, le 4 septembre 1914, il est incorporé dans l'infanterie. La guerre n'a commencé que depuis un mois et les Allemands fondent alors vers Paris. Après trois semaines d'instruction à Maçon, il est affecté au 26e régiment d'infanterie à Nancy. De là il est dirigé vers Morange en lorraine où il reste quelques jours. Il repart à nouveau pour parcourir des centaines de kilomètres jusqu'à Dampierre, dans la Somme, l'Artois, la Picardie et la Belgique, « on marchait, on marchait sans fin sous une pluie froide, la capote était de plus en plus lourde avec tout le barda », disait-il. Début 1915, de retour en France, à Beauséjour, dans la Marne, nouvelle situation, le front s'est stabilisé ; les soldats français, enterrés dans les tranchées, attendaient les attaques allemandes. Là, le 25 septembre 1915, Maurice Floquet est gravement blessé. Des éclats de grenade le touchent à la tête et des balles l'atteignent au bras gauche. Malgré ces importantes blessures, il termine Sa guerre dans une usine d'armement à Sochaux alors qu'il aurait dû être démobilisé. Maurice Floquet se confiait peu et ne tenait pas à évoquer les horreurs de la guerre. Trop marqué par la Première Guerre Mondiale, il boudait les cérémonies du 11 novembre et ne voulait plus du tout s'exprimer sur l'enfer qu'il a vécu au cours de cette dure et cruelle période.
Son petit-fils, Jean-Bernard Paturet, eut droit à plus de confidences. Il relatera avec beaucoup d'émotions dans son livre « Fragments d'Histoire », ses témoignages poignants sur sa vie au quotidien au cours de ce long épisode de la guerre.

J'ai sélectionné quelques passages qui nous font connaître et revivre son histoire, et notamment ce que Maurice appelait :
La monstrueuse journée du 9 mai 1915 :
« Le 9 mai 1915 ouvre le feu, un véritable tremblement de terre ! Le bombardement dure plusieurs heures..., pour le coup, on sait qu'il va falloir attaquer !
Mon grand-père racontait alors, comment il avait jeté discrètement à terre son quart de gnôle pour garder un minimum de lucidité. Bien lui en prit ce jour là ! Baïonnette au canon, le 26ème d'infanterie attend le silence des canons puis se lance à l'assaut, sort des tranchées et commence à avancer dans le no-man's land. Malgré les heures de bombardement, l'efficacité a été relative et les nids de mitrailleuses n'ont pas été détruits. Aussi les Allemands réagissent vite à l'attaque française : mitrailleuses lourdes, grenades et bientôt tirs de barrage brisent net l'élan de la première ligne : des milliers de morts !
On discerne sur le visage du grand-père combien il a été marqué par cette terrible journée. Il lui semble revoir les types tournoyer, renversés comme des pantins désarticulés. Certains fauchés par les rafales tombent morts. D'autres s'agitent sur le sol en hurlant et cherchent à se faufiler jusqu'à un trou d'obus. Quelques survivants essaient de se regrouper, avancent vers la tranchée ennemie, ils y sont presque, mais ils sont arrêtés par des barbelés et se font tuer (comme au stand de tir à la foire, dira-t-il). Il entend les hommes pleurer, crier de douleur, appeler leur mère et puis progressivement plus rien. Une larme vient se glisser au coin de l'œil lorsqu'il pense à cette monstrueuse journée. Le temps n'a pas nettoyé de son coup de balai magique, la scène tragique de ce 9 mai 1915 ».

De retour à la vie civile en 1919, il se marie et monte un garage à Poissons, à l'emplacement même où nous sommes réunis, qu'il exploitera jusqu'à sa retraite.
Maurice est très entouré par sa famille, ses enfants : Roger, décédé il y a quelques années, Jeannine et Simone ; ses petits enfants et arrières petits-enfants. Veuf en 1990, il part vivre dans le Var, chez sa fille Jeannine. Simone, après la disparition de son mari, se rend chaque hiver à Montauroux pour la seconder et choyer son papa. Ce n'est qu'en 2004, à l'âge de 109 ans, probablement le plus âgé des anciens combattants, qu'il reçut les insignes d'officier de la légion d'honneur.

Le Conseil Municipal a souhaité, très symboliquement, rendre hommage au dernier survivant des combats de Champagne par une plaque qui va être dévoilée.
Cette plaque commémorative est un témoignage de reconnaissance à Maurice Floquet, et à tous les poilus de France pour que l'on se souvienne, demain et après...de leur courage à défendre leur patrie.

Discours du maire de Poissons Gilles Lavocat