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L'ÉVOLUTION HISTORIQUE 
Prise de la bastille

LA PRISE DE LA BASTILLE


A Poissons, le climat était plus serein..!

Les événements se précipitaient.
Le 30 septembre 179I, l'assemblée législative succédait à l'assemblée constituante.
Le 10 août I792, le roi Louis XVI et sa famille étaient enfermés dans la prison du Temple.
Le 22 septembre suivant, la République était proclamée.
Le 21 janvier 1793, Louis XVI montait à l'échafaud.
Dans chaque commune de France on exigea un serment de tous ceux qui remplissaient des fonctions publiques.
Ce serment fut prêté à Poissons, le 28 octobre 1792, à l'issue de la grand-messe.

POISSONS 1792

Les citoyens composant la municipalité, est-il écrit aux archives, le juge paix, greffier, curé, vicaire, rassemblés à église, en exécution de la loi du 15 août dernier, affiché à la porte de ladite église, ont prêté le serment d'être fidèle à la nation, de soutenir la liberté et l'égalité et de mourir à leur poste.
Ce serment ne touchait pas à la religion ; le souverain Pontife ne s'était pas encore prononcé en cette matière et le clergé pouvait jurer fidélité à la nation, sans tomber dans le schisme. Dans certaines communes on exigeait l'acceptation formelle de la constitution civile du clergé. Prêté en ces termes, le serment était une faute grave.
Les habitants de Poissons avaient accepté les idées nouvelles avec un certain empressement, mais n'en restaient pas moins attachés à la religion et à la Patrie.
Église Saint-Aignan où fut prêté le serment
Soldat
Comme la France était en guerre avec les nations étrangères, il lui fallait des soldats. Il y eut à Poissons une noble émulation pour défendre le pays menacé. Les jeunes gens s'enrôlèrent en très grand nombre ; on établit la garde nationale dont firent partie presque tous les hommes valides.
C'est à cette époque que le gouvernement d'alors eut l'étrange idée de prendre les cloches des églises pour en faire des canons. D'après le décret de l'assemblée législative, chaque paroisse pouvait conserver une cloche, mais devait envoyer les autres à la fonderie.
Ce décret suscita une grande émotion dans la commune ; car Poissons a toujours aimé ses cloches. D'ailleurs, les cloches ont reçu une consécration religieuse et ne peuvent être, sans les plus graves raisons, employées à des usages profanes.
Or, ces raisons n'existaient pas. Tout le monde sait aujourd'hui, et les hommes compétents savaient fort bien alors, que le bronze des cloches offrant peu de résistance, ne pouvait servir à confectionner des canons...
Soldat
Cloche principale du clocher
Assemblé pour délibérer à ce sujet, le conseil municipal fit preuve d'une décision qu'on peut appeler de courageuse. Il fit comprendre à ses nouveaux maîtres qu'il y a des bornes qu'on ne doit pas franchir. Dans sa délibération du 22 juin 1792, on lit textuellement : "le nombre des cloches n'est que suffisant dans notre paroisse et il n'est pas possible d'en réduire le nombre parce que cela serait beaucoup nuisible aux offices divins de notre commune".
Cette délibération laisse un peu à désirer quant au style, mais son mérite n'en est pas amoindri. Elle est signée de tout le conseil, composé alors du maire et de cinq officiers municipaux dont voici les noms : Nicolas Pigeot aîné, maire, Agnan Morez, Nicolas Vivien, Claude Montangon, Pierre Passerat et Nicolas Lafauche.
Nous ignorons si les cloches furent respectées ; mais à plus de deux siècles de distance nous adressons nos hommages aux courageux citoyens qui ont défendu les droits du bon sens et de la religion.
Dés le 31 juillet 1792, le conseil municipal décidait qu'un arbre de la liberté serait acheté aux frais de la commune et planté auprès du grand pont. Cette plantation a été faite sous la présidence du clergé, en grande pompe religieuse (cet arbre, un tilleul, a été abattu par une tempête survenue vers 1930).
La carte postal ci-contre montre que les arbres étaient voisins car les occasions ne manquaient pas pour les planter !
Place du marronnier actuel
La mort de Louis XVI (21 janvier 1793) jette l'effroi dans toute la France et fit naître le régime de la terreur. Les bons étaient comme paralysés et les méchants redoublaient d'audace.
Les offices religieux furent totalement supprimés; les prêtres assermentés n'étant pas plus acceptés que les autres. C'est vers ce temps qu'on fit des perquisitions au château de Poissons et que l'on confisqua toutes les armes qui s'y trouvaient.
Fusil d'époque et sa baïonnette - Document Hachette
C'est alors aussi qu'on fit disparaître tous les signes qui rappelaient les régimes déchus : croix, statues, couronnes, fleurs de lys. Le nombre des objets d'art qui furent alors détruits est incalculable. Dans certains villages, on aurait cru à une invasion de vandales.
Pendant ce temps, à Paris, le 5 octobre 1793, la Convention décrète le début de l'ère républicaine au 22 septembre 1792, correspondant au 1 vendémiaire an I. Le calendier républicain était officiellement né !
A Poissons, on nomma un procureur communal qui fut chargé de réglementer la suppression des emblèmes séditieux. Ce procureur, nommé Pigorot, en voulait surtout aux croix : croix des cimetières, croix des clochers ou autres. Dans une assemblée tenue le 28 frimaire an II (18 décembre 1793), il déclarait qu'il avait fait abattre plusieurs signes ; religieux, notamment dans les cimetières, et qu'il en avait conduit les matériaux prés de l'arbre de la liberté pour y faire construire un petit corps de garde.
Le 6 pluviôse suivant (25 janvier 1794), il demandait et faisait voter une somme de 192 livres pour l'enlèvement des croix des deux clochers. Ce projet barbare ne parait pas avoir été mis à exécution. Personne ne voulut s'en charger, sans doute. Au fond, tout le monde déplorait ces extravagances ; mais personne n'osait s'y opposer ouvertement.
Calvaire érigé à la mort de l'abbé Claude Frèche
Personne, c'est trop peu dire. Il y eut un citoyen qui se rendit au cimetière au moment ou les iconoclastes accomplissaient leur triste besogne, c'est M. l'Abbé Claude Frèche, Vicaire de Poissons. Il défendit à ces mécréants de toucher aux tombes qui appartenaient à sa famille, et comme il ne semblait pas vouloir tenir compte de ses ordres, il fit enlever les tombes et les fit reconstruire dans une maison particulière. On ne voit pas que d'autres personnes l'aient imité.
Dans une assemblée municipale, le citoyen Pigorot se plaint de l'opposition qu'il rencontre de ce prêtre. Mais ces plaintes n'eurent pas de suites fâcheuses. Au contraire, M. l'abbé Frèche fut loué par son entourage et pour son courage et les habitants de Poissons lui gardèrent une vive reconnaissance. Après la terreur, il fût nommé adjoint de Poissons et National de la commune.
Il mourut en 1821, une croix fut érigée et porte une inscription funéraire en son nom.
Les plus mauvais jours de la révolution étaient venus. Non seulement les offices religieux étaient supprimés, mais nos églises, asiles du recueillement et de la prière, étaient envahies par des foules tumultueuses qui y célébraient des cérémonies sacrilèges. En certains pays, ces réunions étaient de véritables saturnales.
Inscription sur le calvaire de l'abbé Claude Frèche
A Poissons, on s'y réunissait chaque décadi, le décadi avait remplacé le dimanche. Un citoyen montait en chaire et faisait la lecture des lois et décrets qu'on devait communiquer au peuple. Aux jours solennels, comme au l4 juillet, ou au 22 septembre (fondation de la république), on prononçait de vrais discours. L'orateur, dit la chronique du temps «excitait les citoyens à une juste reconnaissance envers le gouvernement qui travaillait sans relâche au bien de ses sujets». Il fallait bien de telles paroles pour donner le change aux populations qui ne se doutaient pas du bonheur dont on les accablait.
Un orateur qui excitait les citoyens
Il n'était pas toujours aisé de trouver des orateurs pour ces lectures et ces discours en un tel lieu. Un pareil honneur revenait de droit au maire ; mais M. le Maire le déclinait souvent, soit par répugnance pour une telle fonction, soit difficulté de parler en public. C'est ainsi que dans une réunion tenue à la mairie de Poissons en 1794, l'assemblée municipale chargea M. Hugues Voillemier de faire la lecture des lois et autres communications aux citoyens assemblés dans le temple décadaire (on désignait ainsi l'église). La délibération portait qu'on l'avait choisi «parce qu'il savait bien lire et qu'il avait un bon organe». Mais effrayé d'un tel honneur et se croyant sans doute au-dessous de sa tâche, M. Voillemier ne se décida pas à la remplir.
Presbytère
Que devenait le clergé pendant ces tristes jours ? Il n'officiait point à l'église qui était laïcisée, comme on dirait aujourd'hui. Disons le cependant, à l'honneur des habitants de Poissons, il ne fut ni dénoncé, ni sérieusement inquiété. Nous croyons même, que M. le curé ne cessa point d'habiter le presbytère avec ses deux vicaires, MM. Claude Frèche et Alex Charpentier ; car cette maison ne fut ni vendue, ni aliénée d'aucune manière. Les prêtres de Poissons visitaient les malades et remplissaient en secret leur ministère. Une note trouvée dans l'église dit que : «pendant tout le temps de la révolution, prêtres ne cessèrent point de donner le baptême aux nouveau-nés, le mariage aux époux et les sacrements aux malades qui, après leur mort, furent inhumés selon le rite de l'église catholique». Note datée du 22 mai 1803, et signée Fresne, vicaire de Poissons.
Plusieurs prêtres étrangers, attirés par cette liberté relative, vinrent se fixer ici. Nous relevons les noms de MM. Gauthier, curé de Germay ; Bertilliéville, vicaire de la cathédrale ; J-B Frèche, ex père cordelier de Sainte-Anne, J-B Millière, religieux bénédictin. Ce dernier était frère de M. le curé. Nous avons déjà cité le nom de Mollerat, prêtre et chanoine de Verdun, qui se retira au château de Poissons, en I793.
Toutes ces secousses avaient vieilli le vénérable pasteur sans doute, le sang n'avait pas coulé à Poissons, mais ailleurs, des milliers et des milliers de têtes étaient tombées sous le couperet de la guillotine, et la plupart des prêtres qui n'étaient pas morts étaient exilés. Quoique épargné, M. Millières sentit qu'il ne survivrait pas à tant de ruines. Il demanda les derniers sacrements et rendit son âme à Dieu, dans les premiers mois de l'année 1802, au moment ou le concordat venait d'être signé. Il avait 71 ans.

C'était cependant l'aurore de jours meilleurs. La révolution s'était chargée de punir elle-même ceux qui avaient versé le sang innocent ; comme Saturne, elle avait dévoré ses propres enfants. Marat, Danton, Robespierre et tant d'autres avaient péris de mort violente. Tant il est vrai que le mal ne triomphe pas toujours et que les vainqueurs d'un moment sont les vaincus de l'éternité.